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Une « Flûte enchantée » pour les non-initiés de l’art lyrique

Le silence règne en cette fin de matinée dans le village de Montjustin-et-Velotte (Haute-Saône) où la compagnie Virêvolte s’est installée, début août, pour finaliser l’adaptation de La Flûte enchantée, de Mozart. Elle sera présentée dans diverses localités de Franche-Comté et du Grand-Est, du vendredi 9 au lundi 26 août, sous la forme de l’opéra-promenade, conçue et renouvelée pendant près d’un quart de siècle par Charlotte Nessi. C’est dans le parc de la propriété de l’ancienne directrice du Théâtre Edwige-Feuillère de Vesoul, coproducteur de la tournée, que la troupe dirigée par la soprano Aurore Bucher met la dernière main au spectacle itinérant.
L’on assiste, en arrivant, à une bagarre effectuée au ralenti par des personnages qui, par leurs longues tresses hirsutes, semblent sortis du film Pirates des Caraïbes. Le premier acte de La Flûte enchantée version Virêvolte s’achève donc par une bataille chorégraphiée où les distinctions de genre (sept femmes et huit hommes composent l’ensemble) et de fonction (huit instrumentistes requis pour la réduction d’orchestre et sept rôles principaux prévus dans la partition) disparaissent, conformément à la spécificité du groupe.
« Chacun d’entre nous fait quelque chose qu’il n’a jamais fait », confirme Aurore Bucher, fondatrice, en 2013, de cette formation à géométrie variable. « Les instrumentistes chantent et les chanteurs jouent d’un instrument. » Le ténor Benjamin Alunni, qui incarne Tamino, est flûtiste, Aurore Bucher s’est mise au tambour pour scander la fin de l’« Ouverture » et le début des « Epreuves ». Serait-elle la cheffe ? « Non », rétorque celle qui voit dans la troupe un moyen d’échapper à « la pyramide éternelle figurée tout en haut par le metteur en scène en connivence avec le directeur musical ». Avant de soutenir qu’ici « tout le monde se sent responsable de la cohérence globale ».
Le ténor Christophe Crapez (reconverti en Monostatos, un rôle de baryton, mais aussi en Troisième Dame) renchérit : « Souvent le chanteur devient un peu chef ; il peut mener le tempo, la respiration, à travers le phrasé. » Le dispositif instrumental (flûte, clarinette, accordéon, trompette, trombone et quintette à cordes) est inédit, comme le texte français. Jugeant « réactionnaire » le livret d’Emanuel Schikaneder (1751-1812), « avec des propos parfois racistes ou sexistes », Aurore Bucher s’est associée à Sylvie Leroy pour lui donner une résonance dans la société actuelle, en particulier auprès d’un public qui, ne possédant pas les codes de l’opéra, n’aurait pas la distance suffisante pour percevoir ce qui est fondamentalement lié à une époque.
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